7 Days
7 Days
2020
"Dans ses modalités modestes comme dans ses expressions luxueuses, l’expérience du non-lieu est aujourd’hui une composante essentielle de toute existence sociale. [...] Il n’y a plus d’analyse sociale qui puisse faire l’économie des individus, ni d’analyse des individus qui puisse ignorer les espaces par où ils transitent." Marc Augé, Non-Lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité
7 Days est le fruit de l’observation d’une station-service de quartier, située à la périphérie d’une ville suisse dont l’agglomération compte plus de 400’000 habitants. Symbole d’une utopie pétrolière jadis radieuse, ce lieu, que l’on pourrait qualifier de non-lieu - d’après les mots de l’anthropologue et écrivain Marc Augé - n’existait à l’origine que pour fournir du carburant afin d’alimenter nos véhicules. Dans ce lieu commun, il n’y a plus de distinctions en termes de genre, d’origine ou de classe sociale. Il rassemble en son sein toutes les différentes strates de notre société. Personnes âgées et jeunes, fortunées et individus en détresse, femmes et hommes - la liste est inépuisable. Pour ainsi dire, les stations-service forment des postes d’observation privilégiés, des échantillons de la communauté humaine contemporaine et de ses comportements. Employé durant plus de trois ans dans ce lieu passage particulier, j’ai pu m’immerger dans son atmosphère pour le narrer d’un point de vue interne et subjectif. J’y ai vu un laboratoire où les jours se succèdent dans un cycle inextricable ; ils s’imitent et se ressemblent, dépendants de cet environnement générique et aseptisé. Un flux vivant, dont le microcosme est illustré par l’usage d’images de vidéosurveillance. Les heures se décomposent en scènes avec leurs protagonistes spécifiques et leurs variables, à la manière d’un absurde théâtre, refuge de toutes les possibles, laissant place à d’innombrables interprétations. L’odeur âcre du carburant qui se répand et le ronronnement sourd des moteurs, l’incessant bourdonnement des réfrigérateurs surchargés et le cliquetis métallique des pièces de monnaie ; derrière le comptoir, un univers prend forme. Ces saynètes diverses se combinent et dépeignent un monde intriguant, une pièce moderne et humaine, où l’insouciance côtoie le pathétique et où le banal quotidien devient une hypothétique et singulière histoire.